L'idée que nos lèvres s'agencent exhume une frissonnante félicité. Deux perles d'azur scintillent dans le soir écarlate, fixant impatiemment le mouvement de mes mains. J'effleure sa peau aux accents de pêche, dégage la soie qui cache jalousement ses seins. C'est le souffle coupé que nos désirs s'embrasent, que des langues de feu consument nos instincts. Un voile lunaire s'allonge sur sa joue et les soupirs rauques enfument le jardin des passions. Serpents en fusion enlacés dans le chaos, nos corps de mille étoiles se fondent en constellations. Sur une vague de plaisir on vogue en douceur, laissant soin au hasard d'écrire notre histoire. Le matin lève un drap fulminant de soleil et l'oiseau chante une comptine pour l'automne. Escaladant le mont de l'extase vers l'envoûtante éruption, nous étreignons nos corps dans la volupté suspendue. De baisers en morsures nous chevauchons nos cœurs, suavement gorgés de nos ébats en noirceur. Insatisfait du trop peu nous réquisitionnons les heures, abandonnant l'existence au passé qui se meurt.
Le chant des oiseaux
Des pléthores d’instants suspendus, lorsque les rires éclatent l’aurore, et cambrent l’ambiance en voluptés satinées. L’étincelle déliée d’une idée scintillante embrase l’histoire comme la fougue de celui qui la raconte. L'existence bruyante matraque les toits de tôle, exagérément ivre et peuplée de pantins blafards, les trop bavards ayant trop bu. Brisant la cohue en créant leur propre espace, deux inconnus apprennent à se connaître, remontant des fils d’étoiles décousus, causant jusqu’en lever les voiles. La nuit stroboscope les enveloppe, confortant le désir criant de l’élan naturel, les laissant à eux-mêmes jusqu’à la caresse pastel d’un soleil. Les corps sont d’autant plus faciles lorsque sans gêne – délestés de l’égo et des forges du passé –, mais ils se cachent pour mieux briller en terre sombre : ils craignent l’ombre de la vérité.
C’est une histoire d’humanité que de persécuter les amours sans convenances, que d’opprimer sa propre beauté. Les amants savants échappent aux foudres, et savent se protéger en s’étreignant de secrets : c’est le chant de l’oiseau qu’on entend, mais qu’on ne voit jamais.
Le mouvement des corps célestes
L’ultime contemplation est blanche, sur la page. Des histoires ne demandent qu’à naître du souffle originel. Divin parmi les dieux, Orphée est l’instigateur des cadences. Il se déhanche et provoque, à lui seul, l’essence de la mécanique du cosmos : le mouvement. L’inspiration est tout ce qu’attend la matière pour prendre vie. Sans l’élan du cœur – la volonté –, c’est dans l’immobilisme le plus déplorable que l’existence se fige, ne laissant qu’une grande toile immaculée, jardin des plénitudes, terreau du vide et de l’espace : rien pour faire danser les univers.
Par chance, il y a lui, le grand maestro chargé d’électriques extases, qui fouille, tourne et retourne chaque pierre de l’Olympe, à la recherche de fines mélodies éparpillées, pillées par le rythme. Il est ce volcan qui engrange tous les amours, les peines et les misères, celui qui laisse mijoter le magma, passion brûlant les âmes, au chaud, bouillant en son sein. L’haleine fumante, c’est le vertige du trop-plein qui piétine son esprit. Il devra trouver raison à sa folie, avant que la folie ait raison de lui. Heureusement, les miracles mystiques sont l’apanage des fous de génie, et ne sont jamais bien loin, cachés derrière les portes secrètement verrouillées : ne lui reste plus qu’à trouver les clés.
Quatre oréades urbaines lui insufflèrent sa délivrance, tournoyant dans un cliquetis de vagues dorées, embellissant ses yeux de doux regards miellés. Un éveil inopiné qui allait se muter en déferlante symphonique, en une lyre pour chacune d’entre elles. Rugissant tout ce qu’il avait de plus beau et de plus vrai, il s’étala en kilomètres sur le papier, emporté par la portée. Il accrocha noires, blanches, croches et quadruples croches, aliéné à ses muses de musique, mâchant des galaxies au passage, soufflé par l’instinct et propulsé d’instants. Les mains noircies lorsqu’il eut fini, un an l’avait vieilli, et elles, ses anges, étaient là, toujours là.
Ces cordes universelles qu’il avait tressées, parfaits filons d’émotions à émouvoir, retournèrent aux nébuleuses, fleuve d’air pur pour enfumer la nuit. C’est ainsi qu’un lundi, il s’éleva enluminé de projecteurs, déposant des caresses harmoniques sur chacune de ses fées à cordes. Le mélodiste marionnettiste bienveillant, lui-même marionnette d’un dessein plus grand, creusa des rivières dans nos psychés, et il s’apprêtait à y verser ses flots. L’assistance retint son souffle, puis vint l’avènement : le premier mouvement des corps célestes.